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nous sentons indivisible, sera perçu extérieurement comme une courbe
définissable par une équation, c'est-à-dire comme une juxtaposition de points,
Henri Bergson, Les deux sources de la morale et de la religion (1932) 62
en nombre infini, qui tous satisfont à une même loi. En évoquant l'image d'un
élan, nous voulions suggérer cette cinquième idée, et même quelque chose de
plus : là où notre analyse, qui reste dehors, découvre des éléments positifs en
nombre de plus en plus grand que nous trouvons, par là même, de plus en plus
étonnamment coordonnés les uns aux autres, une intuition qui se transporterait
au dedans saisirait, non plus des moyens combinés, mais des obstacles
tournés. Une main invisible, traversant brusquement de la limaille de fer, ne
ferait qu'écarter de la résistance, mais la simplicité même de cet acte, vue du
côté résistance, apparaîtrait comme la juxtaposition, effectuée dans un ordre
déterminé, des brins de limaille. - Maintenant, ne peut-on rien dire de cet acte,
et de la résistance qu'il rencontre ? Si la vie n'est pas résoluble en faits physi-
ques et chimiques, elle agit à la manière d'une cause spéciale, surajoutée à ce
que nous appelons ordinairement matière : cette matière est instrument, et elle
est aussi obstacle. Elle divise ce qu'elle précise. Nous pouvons conjecturer
qu'à une division de ce genre est due la multiplicité des grandes lignes
d'évolution vitale. Mais pair là nous est suggéré un moyen de préparer et de
vérifier l'intuition que nous voudrions avoir de la vie. Si nous voyons deux ou
trois grandes lignes d'évolution se continuer librement à côté de voies qui
finissent en impasse, et si, le long de ces lignes, se développe de plus en plus
un caractère essentiel, nous pouvons conjecturer que la poussée vitale
présentait d'abord ces caractères à l'état d'implication réciproque : instinct et
intelligence, qui atteignent leur point culminant aux extrémités des deux
principales lignes de l'évolution animale, devront ainsi être pris l'un dans
l'autre, avant leur dédoublement, non pas composés ensemble mais consti-
tutifs d'une réalité simple sur laquelle intelligence et instinct ne seraient que
des points de vue. Telles sont, puisque nous avons commencé à les numéroter,
la sixième, la septième et la huitième représentations qu'évoquera l'idée d'un
élan vital. - Encore n'avons-nous mentionné qu'implicitement l'essentiel :
l'imprévisibilité des formes que la vie crée de toutes pièces, par des sauts dis.
continus, le long de son évolution. Qu'on se place dans la doctrine du pur
mécanisme ou dans celle de la finalité pure, dans les deux cas les créations de
la vie sont prédéterminées, l'avenir pouvant se déduire du présent par un
calcul ou s'y dessinant sous forme d'idée, le temps étant par conséquent sans
efficace. L'expérience pure ne suggère rien de semblable. Ni impulsion ni
attraction, semble-t-elle dire. Un élan peut précisément suggérer quelque
chose de ce genre et faire penser aussi, par l'indivisibilité de ce qui en est
intérieurement senti et la divisibilité à l'infini de ce qui en est extérieurement
perçu, à cette durée réelle, efficace, qui est l'attribut essentiel de la vie. -
Telles étaient les idées que nous enfermions dans l'image de l' « élan vital ». À
les négliger, comme on l'a fait trop souvent, on se trouve naturellement devant
un concept vide, comme celui du pur « vouloir-vivre », et devant une méta-
physique stérile. Si l'on tient compte d'elles, on a une idée chargée de matière,
empiriquement obtenue, capable d'orienter la recherche, qui résumera en gros
ce que nous savons du processus vital et qui marquera aussi ce que nous en
ignorons.
Ainsi envisagée, l'évolution apparaît comme s'accomplissant par sauts
brusques, et la variation constitutive de l'espèce nouvelle comme faite de
différences multiples, complémentaires les unes des autres, qui surgissent
globalement dans l'organisme issu du germe. C'est, pour reprendre notre
comparaison, un mouvement soudain de la main plongée dans la limaille et
qui provoque un réarrangement immédiat de tous les brins de fer. Si d'ailleurs
Henri Bergson, Les deux sources de la morale et de la religion (1932) 63
la transformation s'opère chez divers représentants d'une même espèce, elle
peut ne pas obtenir chez tous le même succès. Rien ne dit que l'apparition de
l'espèce humaine n'ait pas été due à plusieurs sauts de même direction
s'accomplissant çà et là dans une espèce antérieure et aboutissant ainsi à des
spécimens d'humanité assez différents ; chacun d'eux correspondrait à une
tentative qui a réussi, en ce sens que les variations multiples qui caractérisent
chacun d'eux sont parfaitement coordonnées les unes aux autres ; mais tous ne
se valent peut-être pas, les sauts n'ayant pas franchi dans tous les cas la même
distance. Ils n'en avaient pas moins la même direction. On pourrait dire, en
évitant d'attribuer au mot un sens anthropomorphique, qu'ils correspondent à
une même intention de la vie.
Que d'ailleurs l'espèce humaine soit sortie ou non d'une souche unique,
qu'il y ait un ou plusieurs spécimens irréductibles d'humanité, peu importe :
l'homme présente toujours deux traits essentiels, l'intelligence et la sociabilité.
Mais, du point de vue où nous nous plaçons, ces caractères prennent une
signification spéciale. Ils n'intéressent plus seulement le psychologue et le
sociologue. Ils appellent d'abord une interprétation biologique. Intelligence et
sociabilité doivent être replacées dans l'évolution générale de la vie.
Pour commencer par la sociabilité, nous la trouvons sous sa forme achevée
aux deux points culminants de l'évolution, chez les insectes 'hyménoptères
tels que la fourmi et l'abeille, et chez l'homme. A l'état de simple tendance,
elle est partout dans la rature. On a pu dire que l'individu était déjà une
société : des protozoaires, formés d'une cellule unique, auraient constitué des
agrégats, lesquels, se rapprochant à leur tour, auraient donné des agrégats
d'agrégats ; les organismes les plus différenciés auraient ainsi leur origine
dans l'association d'organismes à peine différenciés et élémentaires. Il y a là
une exagération évidente ; le « polyzoïsme » est un fait exceptionnel et anor-
mal. Mais il n'en est pas moins vrai que les choses se passent dans un
organisme supérieur comme si des cellules s'étaient associées pour se partager
entre elles le travail. La hantise de la forme sociale, qu'on trouve dans un si
grand nombre d'espèces, se révèle donc jusque dans la structure des individus.
Mais, encore une fois, ce n'est là qu'une tendance ; et si l'on veut avoir affaire
à des sociétés achevées, organisations nettes d'individualités distinctes, il faut
prendre les deux types parfaits d'association que représentent une société
d'insectes et une société humaine, celle-là immuable 1 et celle-ci changeante,
l'une instinctive et l'autre intelligente, la première comparable à un organisme
dont les éléments n'existent qu'en vue du tout, la seconde laissant tant de
marge aux individus qu'on ne sait si elle est faite pour eux ou s'ils sont faits
pour elle. Des deux conditions posées par Comte, « ordre » et « progrès »,
l'insecte n'a voulu que l'ordre, tandis que c'est le progrès, parfois exclusif de
l'ordre et toujours dû à des initiatives individuelles, que vise une partie au
moins de l'humanité. Ces deux types achevés de vie sociale se font donc [ Pobierz caÅ‚ość w formacie PDF ]

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