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libre, lui dis-je, ma soeur, et je puis vous embrasser. Voilà cinq tomans que je vous porte. J'ai du regret qu'on
ne m'ait pas acheté davantage. - Quoi ! dit-elle, vous vous êtes vendu ? - Oui, lui dis-je. - Ah !
malheureux ; qu'avez-vous fait ? N'étais-je pas assez infortunée, sans que vous travaillassiez à me le rendre
davantage ? Votre liberté me consolait, et votre esclavage va me mettre au tombeau. Ah ! mon frère, que
votre amour est cruel ! Et ma fille ? je ne la vois point. - Je l'ai vendue aussi", lui dis-je. Nous fondîmes
tous deux en larmes et n'eûmes pas la force de nous rien dire. Enfin j'allai trouver mon maître, et ma soeur y
arriva presque aussitôt que moi. Elle se jeta à ses genoux. "Je vous demande, dit-elle, la servitude, comme les
autres vous demandent la liberté. Prenez-moi. Vous me vendrez plus cher que mon mari." Ce fut alors qu'il
se fit un combat qui arracha les larmes des yeux de mon maître. "Malheureux ! dit-elle, as-tu pensé que je
pusse accepter ma liberté aux dépens de la tienne ? Seigneur, vous voyez deux infortunés qui mourront si
vous nous séparez. Je me donne à vous. Payez-moi. Peut-être que cet argent et mes services pourront
quelque jour obtenir de vous ce que je n'ose vous demander. Il est de votre intérêt de ne nous point séparer :
comptez que je dispose de sa vie." L'Arménien était un homme doux, qui fut touché de nos malheurs.
"Servez-moi l'un et l'autre avec fidélité et avec zèle, et je vous promets que, dans un an, je vous donnerai
votre liberté. Je vois que vous ne méritez, ni l'un ni l'autre, les malheurs de votre condition. Si, lorsque vous
serez libres, vous êtes aussi heureux que vous le méritez, si la fortune vous rit, je suis certain que vous me
satisferez de la perte que je souffrirai." Nous embrassâmes tous deux ses genoux, et le suivîmes dans son
voyage. Nous nous soulagions l'un et l'autre dans les travaux de la servitude, et j'étais charmé lorsque j'avais
pu faire l'ouvrage qui était tombé à ma soeur.
La fin de l'année arriva ; notre maître tint sa parole et nous délivra. Nous retournâmes à Tefflis. Là je
trouvai un ancien ami de mon père, qui exerçait avec succès la médecine dans cette ville ; il me prêta
quelque argent avec lequel je fis quelque négoce. Quelques affaires m'appelèrent ensuite à Smyrne, où je
m'établis. J'y vis depuis six ans, et j'y jouis de la plus aimable et de la plus douce société du monde : l'union
règne dans ma famille, et je ne changerais pas ma condition pour celle de tous les rois du monde. J'ai été
assez heureux pour retrouver le marchand arménien à qui je dois tout, et je lui ai rendu des services signalés.
De Smyrne, le 27 de la lune de Gemmadi 2, 1714.
Lettre LXVII. Ibben à Usbek, à Paris 95
Lettres persanes
Lettre LXVIII. Rica à Usbek, à***
J'allai l'autre jour dîner chez un homme de robe, qui m'en avait prié plusieurs fois. Après avoir parlé de
bien des choses, je lui dis : "Monsieur, il me paraît que votre métier est bien pénible. - Pas tant que vous
vous l'imaginez, répondit-il : de la manière dont nous le faisons, ce n'est qu'un amusement. - Mais quoi ?
n'avez-vous pas toujours la tête remplie des affaires d'autrui ? N'êtes-vous pas toujours occupé de choses
qui ne sont point intéressantes ? - Vous avez raison ; ces choses ne sont point intéressantes : car nous nous
y intéressons si peu que rien, et cela même fait que le métier n'est pas si fatigant que vous dites." Quand je vis
qu'il prenait la chose d'une manière si dégagée, je continuai, et lui dis : "Monsieur, je n'ai point vu votre
cabinet. - Je le crois : car je n'en ai point. Quand je pris cette charge, j'eus besoin d'argent pour la payer ; je
vendis ma bibliothèque, et le libraire qui la prit, d'un nombre prodigieux de volumes, ne me laissa que mon
livre de raison. Ce n'est pas que je les regrette : nous autres juges ne nous enflons point d'une vaine science.
Qu'avons-nous à faire de tous ces volumes de lois ? Presque tous les cas sont hypothétiques et sortent de la
règle générale. - Mais ne serait-ce pas, Monsieur, lui dis-je, parce que vous les en faites sortir ? Car enfin,
pourquoi chez tous les peuples du monde y aurait-il des lois si elles n'avaient pas leur application ? et
comment peut-on les appliquer si on ne les sait pas ? - Si vous connaissiez le Palais, reprit le magistrat,
vous ne parleriez pas comme vous faites : nous avons des livres vivants, qui sont les avocats ; ils travaillent
pour nous et se chargent de nous instruire. - Et ne se chargent-ils pas aussi quelquefois de vous tromper ?
lui repartis-je. Vous ne feriez donc pas mal de vous garantir de leurs embûches : ils ont des armes avec
lesquelles ils attaquent votre équité ; il serait bon que vous en eussiez aussi pour la défendre, et que vous
n'allassiez pas vous mettre dans la mêlée, habillés à la légère, parmi des gens cuirassés jusques aux dents."
De Paris, le 13 de la lune de Chahban 1714.
Lettre LXVIII. Rica à Usbek, à*** 96
Lettres persanes
Lettre LXIX. Usbek à Rhédi, à Venise
Tu ne te serais jamais imaginé que je fusse devenu plus métaphysicien que je ne l'étais : cela est
pourtant, et tu en seras convaincu quand tu auras essuyé ce débordement de ma philosophie.
Les philosophes les plus sensés qui ont réfléchi sur la nature de Dieu ont dit qu'il était un être
souverainement parfait ; mais ils ont extrêmement abusé de cette idée : ils ont fait une énumération de
toutes les perfections différentes que l'homme est capable d'avoir et d'imaginer, et en ont chargé l'idée de la
divinité, sans songer que souvent ces attributs s'entrempêchent, et qu'ils ne peuvent subsister dans un même
sujet sans se détruire.
Les poètes d'Occident disent qu'un peintre, ayant voulu faire le portrait de la déesse de la beauté,
assembla les plus belles Grecques et prit de chacune ce qu'elle avait de plus agréable, dont il fit un tout pour
ressembler à la plus belle de toutes les déesses. Si un homme en avait conclu qu'elle était blonde et brune,
qu'elle avait les yeux noirs et bleus, qu'elle était douce et fière, il aurait passé pour ridicule.
Souvent Dieu manque d'une perfection qui pourrait lui donner une grande imperfection ; mais il n'est
jamais limité que par lui-même : il est lui-même sa nécessité. Ainsi, quoique Dieu soit tout-puissant, il ne
peut pas violer ses promesses, ni tromper les hommes. Souvent même l'impuissance n'est pas dans lui, mais
dans les choses relatives ; et c'est la raison pourquoi il ne peut pas changer l'essence des choses.
Ainsi il n'y a pas sujet de s'étonner que quelques-uns de nos docteurs aient osé nier la prescience infinie
de Dieu, sur ce fondement qu'elle est incompatible avec sa justice.
Quelque hardie que soit cette idée, la métaphysique s'y prête merveilleusement. Selon ses principes, il
n'est pas possible que Dieu prévoie les choses qui dépendent de la détermination des causes libres, parce que [ Pobierz caÅ‚ość w formacie PDF ]

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